Pourtant endettée à hauteur de 80 % de son PIB, la Tunisie a un besoin criant d’argent pour régler les salaires des fonctionnaires (680 000 dans l’administration centrale) et ses dépenses courantes. Mais Kaïs Saïed s’oppose aux « diktats » du FMI que sont, à ses yeux, deux mesures prévues pour obtenir le crédit : une levée graduelle des subventions étatiques sur les produits de base, dont les carburants, et la restructuration d’une centaine d’entreprises publiques criblées de dettes.
« L’accord est bloqué à cause de Kaïs Saïed, qui rejette des réformes proposées par son gouvernement au FMI, en particulier pour les subventions », explique à l’AFP Aram Belhadj, enseignant chercheur à l’Université de Carthage. « Les négociations sont complètement à l’arrêt, c’est Tunis qui bloque », confirme à l’AFP l’économiste Ezzedine Saidane, soulignant que M. Saïed « a vu dans ces réformes des choses qui le pénaliseraient politiquement ».
Après avoir évoqué une « malédiction antique » pesant sur le FMI, le président tunisien a appelé le 23 juillet, dans un discours à Rome lors du sommet international sur les migrations, à « créer une nouvelle institution financière mondiale pour établir un nouvel ordre humain où l’espoir remplace le désespoir ».
Si la Tunisie décide de se passer du FMI, peut-elle tenir ou fera-t-elle défaut en cessant de rembourser ses dettes ? Pour 2023, le pays peut faire face à des échéances estimées à 21 milliards de dinars (environ 6,2 milliards d’euros), dont 12 milliards en devises, grâce au tourisme, aux envois de la diaspora, aux exportations de phosphates et à la baisse du coût de l’énergie, selon les économistes. « Mais en l’absence d’accord, la situation va devenir de plus en plus difficile. Le risque de défaut sera très grand en 2024 et 2025 », juge M. Belhadj qi ajoute que si d’ici fin août il n’y a pas de clarification de la position de la Tunisie, l’accord avec le FMI sera enterré une fois pour toutes.
Notons que malgré un premier feu vert de Washington en octobre dernier, les négociations avec Tunis pour un nouveau crédit du FMI de 1,9 milliard de dollars piétinent depuis fin 2022. Un accord apporterait une bouffée d’oxygène à un pays dont les difficultés croissantes inquiètent Europe et Etats-Unis, et déclencherait d’autres financements étrangers.
Danielle N.