Les fondateurs, chefs d’entreprises et cadres inspirantsMadagascarSuccess Stories

Portrait entrepreneur : Marie Christina Kolo, le visage d’une génération qui ne veut plus se taire

Activiste climatique, éco-féministe et entrepreneure sociale, elle est la fondatrice de Green N Kool et cofondatrice du Réseau Climat Océan Indien. Leader au sein d’Ecofeminism Madagascar et la coalition nationale Genre et Justice Climatique, elle est également initiatrice du mouvement Women Break the silence, luttant contre les violences sexuelles et la culture du viol. Son combat en faveur des droits humains lui a valu en 2020 le prix international des droits de l’homme Martine Anstett. Portrait de Marie Christina Kolo, une militante aux multiples combats.

D’aussi loin qu’elle se souvienne, cette fille de parents sortis de l’extrême pauvreté à force d’études et de travail a toujours contesté l’ordre établi. À 8 ans, elle s’engageait déjà contre une entreprise textile qui déversait des produits toxiques dans les rizières de son quartier, avant de créer SOS enfants, sa première association. « Je donnais mon petit-déjeuner et mon goûter aux sans-abri. Je me suis évanouie plusieurs fois à l’école parce que je ne mangeais pas. Ma mère s’est fait convoquer », raconte Marie Christina à vanityfair.

Si ses parents sont originaires de Nosy-Be, Marie Christina Kolo a grandi à Antananarivo, la capitale de Madagascar. A 17 ans, après le baccalauréat, elle est partie en France poursuivre  des études en sciences politiques avant de se spécialiser dans la gestion de projet communautaire et développement. Pour ce qui est de son parcours professionnel, Marie Christina a eu l’occasion de travailler dans plusieurs pays.

Au Sénégal, elle a travaillé pour une organisation paysanne. En Chine, elle travaillait dans une ONG de protection environnementale et œuvrait dans la lutte contre la pollution en zone urbaine. Elle a aussi été coordinatrice de projet en Inde, pour une ONG qui s’occupait de la réinsertion des enfants des rues. Ayant beaucoup appris de ces différentes expériences, elle décide de rentrer à Madagascar pour faire quelque chose pour son pays.

Recrutée en tant que volontaire des Nations-Unies pour le Programme des Nations-Unies pour le Développement PNUD, une fois retournée à Madagascar, elle travaille dans les régions d’Androy, Vatovavy Fitovinany avant de démissionner pour créer sa propre organisation : Green N Kool.

Créer de l’emploi tout en préservant l’environnement

C’est dans le but de créer de l’emploi pour les jeunes de Madagascar que la diplômée en gestion de projets humanitaires et projets de développement a fondé en 2016, Green N Kool, une entreprise à la fois sociale et écologique. Green N Kool fait dans la fabrication de meubles, d’objets recyclés, de savons écologiques à base d’huiles alimentaires usagées, l’aménagement d’espaces urbains et ruraux et la gestion des déchets. Les bénéfices qu’engendre l’entreprise permettent à Marie Christina de financer des projets sociaux, dont un centre culturel et une école primaire verte dans le village de sa mère, Nosy Be, situé à plus de 600 kilomètres au nord de la capitale.

Green N Kool a pu gagner de nombreux prix aussi bien sur le plan national qu’international, comme celui du « best social startup » au Southern Africa Startup Award en 2019. Le savon à base d’huile alimentaire, un produit qui a été initié en 2020 durant la crise sanitaire a également été récompensé lors de différents concours, notamment celui organisé par l’Agence Internationale de Coopération Japonaise ou JICA. Le projet « Alt Soap » a en outre obtenu le « prix du jury » lors de la deuxième édition du concours Med’Innovant Africa 2020-2021.

Eco-féministe

Dans son parcours de combattante, un épisode l’a mise en première ligne des médias. En janvier 2020, lors de la COP 25, Maria Christina est prise à partie par le ministre malgache de l’environnement qui lui reproche de l’avoir critiqué sur Facebook. Au lendemain de l’agression, elle rédige une lettre ouverte au président de Madagascar, Andry Rajoelina. Le titre : « Non à l’âgisme et à la misogynie des membres du gouvernement. » Elle y dénonce le mépris du ministre envers les jeunes à qui il a refusé toutes les accréditations pour la Cop, exhorte les dirigeants à traiter les citoyens « avec dignité et respect » et non plus comme des êtres « immatures, incapables de s’exprimer ». « Nous sommes compétents et nous avons des solutions à proposer », revendique-t-elle.

Sa colère résonne des chancelleries jusqu’au palais présidentiel. Le ministre est limogé un mois plus tard, à la faveur d’un remaniement gouvernemental. Marie Christina devient malgré elle le visage d’une génération qui ne veut plus se taire. « Je ne l’ai pas fait pour moi, je l’ai fait aussi pour les autres. Toutes mes frustrations sont ressorties », dit-elle.

Une activiste climatique

Son intérêt pour la question du climat naît en 2015, dans la région aride de l’Androy (sud) où il faut apprendre à vivre sans eau. Elle a été affectée là-bas en tant que volontaire des Nations unies pour mener des projets sociaux et culturels. À l’époque, il n’existe aucune structure dédiée. En quelques clics sur LinkedIn, elle forme une communauté et cofonde le Réseau climat océan-Indien, première plateforme régionale sur ces sujets.

En novembre 2015, des militants malgaches participent grâce à elle à l’une des neuf conférences de la jeunesse organisées à travers le monde à l’occasion de la Cop 21. Une prouesse dans un pays où 80 % des jeunes vivent en milieu rural, tiraillés entre piller les ressources naturelles ou survivre. La Grande Île a perdu la moitié de sa forêt en soixante ans à cause du charbon de bois, de la culture sur brûlis, mais aussi des trafiquants de bois précieux en col blanc.

Marie Christina Kolo est persuadée de la nécessité de concilier les valeurs environnementales et féministes. « Aux yeux de certains, cela nous donne une image extrémiste lorsqu’on dit que la femme et la nature sont similaires. Une femme comme la nature, peut être dépouillée de ses entrailles. La culture du viol existe dans notre pays et atteint des femmes au quotidien ». Cette vision lui a permis de représenter Madagascar encore une fois à la COP-25. Elle n’était plus dans les entités jeunes, mais dans les entités féministes. L’activiste a aussi été invitée par le président de la COP 26 à Glasgow. C’est d’ailleurs grâce à son franc-parler que Marie Christina Kolo a été invitée à s’entretenir en tête-à-tête avec le secrétaire général des Nations unies, António Guterres.

Aujourd’hui, Marie Christina Kolo est à la tête de la coalition nationale genre et justice climatique pour la mise en place du forum génération égalité. La combattante travaille aussi pour CIVICUS, l’alliance mondiale des activistes de terrain et la liste est loin d’être exhaustive.

 « Women Break the silence »

« Survivante » d’agressions sexuelles subies pendant son enfance, une situation qu’elle a dû taire pendant des années, c’est en janvier 2019 qu’elle a commencé à en parler publiquement pour aider des femmes et des hommes à briser eux aussi le silence. Ce jour de janvier 2019, lors d’une conférence sur la culture du viol, Marie Christina Kolo est seule sur une estrade, une main dans la poche, l’autre qui tient le micro. Les larmes montent. Pour la première fois, elle parle de ceux qu’elle a subis, de 6 à 11 ans. « C’était par un cousin qui habitait chez nous. Ça s’est arrêté quand il s’est marié et qu’il a quitté la maison », rapporte vanityfair. Dans l’assistance, des filles se reconnaissent dans son histoire et se mettent à pleurer. Une de ses amies aussi. Au fond, des garçons rient. L’un d’eux prend le micro. « Ça n’arrivera pas à ma fille parce que je l’ai bien éduquée. » Réaction banale dans un pays où la femme est considérée comme un fanaka malemy (en malagasy, un meuble fragile), où l’on vend des mineures à des hommes âgés contre quelques zébus, où l’on envoie des adolescentes séduire des hommes blancs sur Facebook… Comme si, pour sortir de la pauvreté, il fallait accepter d’être violée.

Sur Facebook, Marie Christina écrit : « Nos voix finiront par se faire entendre. Je ne manquerai pas d’interpeller à nouveau d’autres dirigeants qui manquent de redevabilité ou abusent de leur pouvoir. #generationtetue. »

La jeune femme a été distinguée du « Prix Martine Anstett 2021 », qui chaque année depuis plus de cinq ans, récompense une militante pour son engagement en faveur des droits humains.

Danielle N.

Bienvenue sur The Africa Business Index 👋

Votre source incontournable pour les dernières actualités, tendances et histoires fascinantes en entrepreneuriat!

Contactez-nous dès à présent

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page
error: