Portrait cadre/CEO : Abdul Samad Rabiu, l’incontrôlable président du groupe nigérian BUA
C’est l’une des grandes fortunes d’Afrique. 4e du classement sur le continent selon le magazine Forbes, il pèse plus de 7, 5 milliards de dollars. Originaire de Kano, il a prospéré dans le ciment et dans l’agroalimentaire. Il prône la production et la transformation locale des ressources naturelles. Portrait d’Abdul Samad Rabiu, PDG du groupe BUA.
Né à Kano (Nord du Nigeria), le parcours d’Abdul Samad Rabiu, héritier de l’un des premiers industriels du Nigeria, ressemble à celui de son aîné Aliko Dangote. Grandi dans un environnement commercial, son père s’occupait de riz, de sucre et d’huile comestible depuis très longtemps. Après quelques années d’études aux États-Unis (Capital University, Columbus, Ohio), alors que son père est détenu en prison par l’administration du général Buhari, pour non-respect des lois sur l’importation du riz, Abdul Samad Rabiu reprend les affaires familiales en 1984.
D’abord commerçant dans l’import-export (riz, huile alimentaire, farine, minerai de fer, acier, produits chimiques…), il se lance rapidement dans l’agro-industrie (acquisition de BUA Oils, en 1991, et de Golden Oil, en 2000), puis, en 2002, dans le ciment (acquisition de CCNN). C’est le début d’une longue série de succès.
En 2005, il investit dans le raffinage du sucre (BUA Sugar Refinery) et brise le monopole de Dangote Sugar, puis dans la meunerie (BUA Flour Mills), la logistique en 2006 (BUA Ports & Terminals) et lance enfin BUA Cement, cœur de son empire actuel, en 2008. S’ensuit une décennie d’investissements très importants pour augmenter ses capacités de production de ciment dans les États de Sokoto (Nord-ouest), d’Edo et d’Ogun (Sud).
En mai 2018, il inaugure, aux côtés du vice-président Osinbajo, dont on le dit très proche, une nouvelle cimenterie représentant un investissement de 350 millions de dollars, à Sokoto, et dont 30 % de la production est destinée au Niger. Il détient aujourd’hui à lui seul plus d’un quart des capacités installées de production de ciment au Nigeria (8 millions de tonnes métriques par an).
Se voulant le chantre de la production locale, il accompagne la volonté du gouvernement dans ses ambitions d’autosuffisance en sucre (plantations) et en riz.
4e fortune d’Afrique selon Forbes
Discret, Abdul Samad Rabiu (62 ans) continue de faire la fierté du continent africain. À la tête d’une fortune estimée à 7,5 milliards de dollars et d’un groupe diversifié qui s’étend de l’agro-industrie au ciment, en passant par l’immobilier et la logistique portuaire, le magnat nigérian est aujourd’hui l’un des plus puissants industriels du continent.
Le milliardaire Abdul Samad Rabiu détenteur d’une fortune estimée à 7,6 milliards de dollars, a détrôné l’homme d’affaires égyptien Nassef Sawiris (7,4 milliards de dollars), actionnaire notamment du géant français du ciment Lafarge et de l’équipementier sportif Adidas.
Une nouvelle, selon Forbes qui confirme la solide performance financière du groupe nigérian BUA, porté en premier lieu par ses deux entreprises phares, la société agroalimentaire BUA Foods et le cimentier BUA Cement, qui a vu son cours de Bourse à Lagos quasiment doubler depuis septembre dernier.
Résultat, le fondateur et PDG de BUA Group a vu son patrimoine progresser de 2,7 milliards de dollars au cours des douze derniers mois. Une hausse qui place désormais Abdul Samad Rabiu juste derrière son compatriote Aliko Dangote (13,5 milliards de dollars) et les deux milliardaires sud-africains Johann Rupert (10,8 milliards de dollars) et Nicky Oppenheimer (8,5 milliards de dollars) dans le classement des individus les plus fortunés en Afrique.
Une rivalité avec Aliko Dangote ?
Lorsqu’on interroge Abdul Samad Rabiu sur l’existence d’une rivalité entre Aliko Dangote et lui, le patron de BUA Group ne nie pas la compétition, mais reconnaît que rien n’est pris à cœur. « Je n’utiliserais pas le terme de rivalité, plutôt celui de concurrence. Aliko est un businessman, comme moi. C’est un homme bon et un ami. Mais Aliko est aussi un capitaliste qui protège ses intérêts autant qu’il le peut. Ami ou non, c’est le business d’abord. Chacun de nous comprend très bien cela. Il protège son business, et moi, j’essaie de lui prendre des parts de marché. Tout cela est normal. Nous parvenons à rester amis, car nous n’en faisons pas une histoire de cœur. Il n’y a rien de passionnel là-dedans, et il en a toujours été ainsi. »
Et de continuer : « Vous savez, Aliko est quelqu’un qui adore le monopole. Si vous essayez d’entrer dans son business, il fera tout ce qui est en son pouvoir pour protéger ses affaires. Mais ce n’est pas parce que vous y parvenez qu’il vous détestera. Aliko est ainsi. Que vous soyez son ami, son cousin, son frère ou sa fille, cela n’a aucune importance, il défendra ses intérêts de la même façon. Il est fait comme ça. C’est dans son sang. Vous pouvez le concurrencer de toutes vos forces, il vous prendra quand même dans ses bras quand vous le rencontrerez, et il sera même le premier à vous appeler pour vous féliciter et vous dire : « OK. 1-0 pour toi. »
Abdul veut booster sa production de ciment
En marge du dernier sommet de l’Africa CEO Forum, qui s’est tenu les 5 et 6 juin 2023, à Abidjan, la Société financière internationale (SFI) et BUA Cement ont annoncé dans un communiqué conjoint la finalisation d’un prêt syndiqué de 500 millions de dollars en faveur du cimentier.
Détenu à 98 % par le milliardaire nigérian, BUA Cement se servira de cette ligne de financement pour agrandir sa cimenterie de Kalambaina (État de Sokoto, dans le nord du pays), qui se verra adjoindre deux nouvelles lignes de production. À terme, cet investissement permettra de faire passer la capacité de production de BUA – second cimentier du Nigeria, derrière Dangote Cement – de 11 millions de tonnes annuelles à 17 millions, et de générer près de 12 000 emplois directs et indirects.
Un philanthrope né !
Quand il ôte sa casquette d’homme d’affaire, Abdul Samad Rabiu est un homme qui a la main sur le cœur. Il multiplie les œuvres philanthropiques. À travers son Abdul Samad Rabiu Africa Initiative (ASR Africa Initiative), il a offert en 2021, environ 12 millions de dollars à l’Etat d’Akwa Ibom pour la construction d’un hôpital universitaire, quelques jours seulement après avoir fait un don de 2,4 millions de dollars à l’université de Maiduguri.
Danielle N.