Portrait entrepreneur : Mariam Mohamed Keita, fondatrice de BINEDOU GLOBAL SERVICES
Après une enfance difficile, elle est parvenue à « sortir la tête de l’eau ». Aujourd’hui à la tête de BGS Recyplast (BINEDOU GLOBAL SERVICES), une entreprise spécialisée dans le ramassage, le traitement et la transformation des déchets plastiques en pavés, elle fait la fierté de toute l’Afrique. Portrait de Mariam Mohamed Keita, une entrepreneure sociale qui place l’environnement au centre de ses préoccupations.
Une histoire pas semblable à celui d’un conte de fées
Issue d’une famille très modeste, Mariam n’a pas eu une enfance facile. Donnée en mariage à l’âge de 14 ans à un homme polygame, elle n’a pas eu la chance d’étudier pour faire face aux défis de la vie d’adulte, telle que la maternité très prématurée.
Avec peu de perspectives d’avenir et dépendant entièrement de son mari pour élever ses deux enfants, Mariam décide de suivre une formation professionnelle. C’est ainsi qu’elle s’inscrit à l’Institut Professionnel et Moderne de Kipé en Comptabilité et Gestion Informatique et elle en sort diplômée en 2016.
La recherche de son premier emploi l’amène ainsi à visiter de nombreuses rues et quartiers de Conakry. La présence de déchets à chacun de ses passages attire son attention. L’idée de transformer les déchets lui traverse alors l’esprit. De fil à aiguille, avec une dose de courage et de résilience, ce qui n’était qu’une idée au départ finie par se concrétiser.
Mariam se lance dans le ramassage des déchets dans les rues bien que beaucoup se moquent d’elle. « Il y a d’autres qui se moquaient de moi, ils me disaient souvent que je suis une folle. Dans les rues, certains sortaient leurs téléphones pour me prendre en photo et poster sur les réseaux sociaux en disant que je n’ai pu rien faire de la vie après les études », raconte la jeune femme de 30 ans.
Mais focus sur son objectif qui était de débarrasser les rues guinéennes de ses déchets plastiques, Mariam Keita ne laisse pas tomber. Son idée, de recycler les déchets plastiques ne souffre de rien. « Avec des déchets plastiques dans les caniveaux. Je me suis dit qu’il y a peut-être une solution pour débarrasser la ville de ces plastiques qui polluent notre environnement. »
C’est ainsi qu’elle a participé à un concours organisé par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Sur 450 postulants, elle est retenue parmi les 10 finalistes qui font leur entrée au sein de l’incubateur « Oser Innover ». « C’est là, j’ai appris à transformer ma frustration en opportunité », confie-t-elle.
Au finish, son projet de transformation des déchets plastiques en pavés a obtenu un financement de 5000 dollars. Ce fonds de départ, elle l’utilise pour louer un domaine au Km 36 à Dubreka dans le Grand Conakry. Le contrat de bail est conclu pour une durée de 3 ans. « J’ai construit un hangar d’une superficie de 17x14m2 », détaille Mariam qui se rappelle de ses débuts en tant que productrice de pavés. « Faute de moyens financiers suffisants, on sortait sur le terrain pour ramener les déchets. Maintenant, nous avons noué des partenariats avec des entreprises spécialisées dans la collecte des plastiques. Nous rachetons les déchets pour les trier. »
Recycler les déchets plastiques et les transformer en ressources
En 2017, elle met en place BGS Recyplast (BINEDOU GLOBAL SERVICES), la première entreprise de transformation de déchets plastiques en Pavés en Guinée. Elle a commencé à faire fondre dans son jardin un mélange de différents déchets plastiques, plus ou moins durs. Elle a obtenu une pâte chaude à laquelle elle rajoutait du sable pour rendre le tout plus solide. Ayant créé une forme homogène, c’est à ce moment qu’elle a l’idée d’en faire quelque chose : des pavés pour les trottoirs et les chaussées de Conakry. Le mélange idéal entre plastique et sable a demandé plusieurs essais.
Aujourd’hui, ces pavés nouveaux genre, imperméables, durables, viables et rigides peuvent aussi être utilisés pour construire des fosses septiques. Implantés en République de Guinée, plus précisément dans la préfecture de Coyah (Km 36), BGS Recyplast emploie dix personnes donc la plupart sont les femmes et dispose de sa propre usine de recyclage.
Déterminée, Mariam rêve de devenir une des actrices incontournables du bâtiment et des travaux publics, pour atteindre son objectif d’une Guinée sans plastique. « Même si on est né et a grandi dans la pauvreté, on peut aussi participer au développement de son pays, » dit-t-elle.
La jeune entrepreneure rêve d’une entreprise financièrement indépendante avec plus de 1 000 employés, dont 70 % de femmes. Elle précise qu’elle désire avant tout recruter celles qui ont été dans la même situation qu’elle, afin de briser le cycle de dépendance et de pauvreté chez les jeunes femmes en Guinée.
Volontaire pour la croix rouge en Guinée depuis 2011, Mariam était sur les lignes de front du combat contre l’épidémie d’Ébola dans la région. Elle est lauréate du prix « Osez innover 2018 » ; du prix SADEN 2019 du meilleur entrepreneur, dans la catégorie « engagement social » ; du trophée de « meilleure femme entrepreneure 2019 » ou encore celui de « meilleure entrepreneure African Women Awards ».
Danielle N.