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Entrevue avec Thomas Rainchou, Professionnel du management de l’innovation et de la performance

Camerounais d’origine, Thomas Rainchou vit à Montréal depuis presque sept ans où il a fait des études en expertise comptable et s’est ensuite spécialisé en gestion de la performance. Aujourd’hui, c’est un professionnel du management de l’ innovation et de la performance des entreprises. Il a accepté de répondre à nos questions.

ABIx : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs et lectrices

M. Thomas R. : Je m’appelle Thomas Rainchou, Camerounais d’origine, je vis à Montréal depuis presque sept ans où j’ai fait des études en expertise comptable et je me suis spécialisé en gestion de la performance. J’ai beaucoup travaillé en comptabilité, en management et en développement et gestion de projets, et j’ai accompagné plusieurs jeunes dans leurs projets de formation en entrepreneuriat dans divers métiers et de création d’entreprises.  je suis content de pouvoir m’exprimer aujourd’hui sur “The Africa Business Index”. Je salue l’initiative qui, à mon sens, permettra de consolider les bases de la pensée visionnaire, de la créativité et de l’innovation sur le continent africain. Nous en avons besoin. Je salue également vos lecteurs et je pense qu’ils ne tarderont pas à comprendre les enjeux de l’entrepreneuriat que vous voulez mettre en lumière. Ils seront certainement des facteurs de multiplication dans la diffusion du message et la stimulation de l’esprit d’entrepreneuriat. Depuis quelques années, je m’intéresse beaucoup aux questions d’innovation et de performance en contexte d’entreprise. J’observe de près les facteurs qualitatifs et quantitatifs qui permettent aux entreprises de soutenir durablement leur succès grâce à l’innovation.

ABIx : Comment décririez-vous votre rôle en tant qu’expert en innovation et performance d’entreprise ?

M. Thomas R. : Je pense que je joue majoritairement un rôle de conseil. Je suis amené à fonctionner de manière indépendante en observant et en menant des recherches pertinentes pour me tenir à jour et capitaliser les pratiques qui ont fait leur preuve afin de répondre aux besoins des entrepreneurs et des dirigeants d’entreprise. Ce qui me permet de contribuer aux processus stratégiques, notamment la définition et la mise à jour des orientations et des politiques d’entreprise, et d’intervenir aussi au niveau des processus opérationnels en aidant à mettre en place des mécanismes de pilotage continue de la performance. Quelques fois, il peut arriver de jouer un rôle beaucoup plus direct en s’impliquant dans le fonctionnement des organisations. J’ai récemment assumé les fonctions de coordinateur de la performance, de l’innovation et de la qualité dans le diocèse de Ngaoundéré au Cameroun. Dans ces circonstance les rôles de conseil et d’action sont synchronisés et conduisent vers des résultats significatifs. Un troisième angle du rôle que l’on peut jouer est celui de la préparation de la relève. Je m’intéresse beaucoup à la formation des dirigeants et des employés en entreprise et à la préparation de la jeunesse afin qu’ils assument demain des fonctions qui aideront les entreprises à soutenir durablement les défis de la performance dans un contexte hyper-changeant.  

ABIx : Quels sont les principaux avantages et inconvénients de l’utilisation de clés de performance (KPI) pour les entreprises africaines ?

M. Thomas R. : Peu importe où l’on se trouve, l’utilisation des indicateurs de performance reste un enjeu important pour les organisations. Leurs avantages se situent dans le rôle qu’ils sont censés jouer, c’est à dire mesurer les résultats des initiatives et des actions qui sont déployées au sein de l’organisation dans le but d’atteindre les objectifs établis. Lorsque les indicateurs sont bien sélectionnés et définis, et lorsqu’ils sont bien utilisés, ils deviennent comme la boussole de l’entreprise. Ils indiquent aux gestionnaires le chemin parcouru, ce qui reste à faire et les horizons futurs vers où il faudrait aller. Ils permettent aux gestionnaires de se comparer avec les autres organisations et leur bonne interprétation fournit aux gestionnaires un moyen de suivre le rythme des efforts qu’ils fournissent et de réagir en temps opportuns aux besoins de réajustement et de réorientation. 

Comme chaque médaille a ses revers, les KPI peuvent rapidement devenir des sources de contre-performance dans les organisations. L’une des principales causes des comportements opportunistes des gestionnaires et des employés en entreprise c’est le fait de les évaluer sur la base des indicateurs de performance. Non seulement on crée un système de focalisation qui détourne les acteurs des autres enjeux clés de la vie de l’organisation, mais aussi on favorise la manipulation des chiffres et de données qualitatives par les acteurs qui veulent à tout prix atteindre leurs indicateurs. Tout se passe comme si, au lieu de rechercher la croissance de l’organisation, on recherche l’atteinte d’un indicateur.   

Le défis majeur des organisations dans l’utilisation des KPI c’est de pouvoir les définir de manière à réduire ou neutraliser ces revers.

ABIx : Comment évaluez-vous la performance d’une entreprise ? Quels sont les indicateurs clés de performance (KPI) que vous utilisez ?

M. Thomas R. : A priori il n’existe pas d’indicateurs de performance “passe partout”. C’est la réalité d’une organisation qui va faire émerger des indicateurs de performance pertinents à utiliser. Comme je l’ai souligné, ces indicateurs doivent être sélectionnés et définis de manière à réduire ou neutraliser la tentation de focalisation, le développement des comportements opportunistes, et le détournement du succès vers l’atteinte d’un chiffre ou d’une donnée.  L’approche qui m’inspire le plus est celle du tableau de bord prospectif de Norton et Kaplan. Cette approche permet d’aborder la détermination des KPI d’une organisation sous l’angle stratégique. Il faut bien comprendre la stratégie de l’organisation, cerner les liens entre les objectifs de l’organisation et les processus opérationnels qui sont mis en œuvre. Par exemple, une organisation qui décide d’accroître ses ventes en améliorant l’expérience de sa clientèle peut axer sa stratégie sur la mobilisation d’un capital humain qualifié et expérimenté, ou décider simplement d’agir sur l’automatisation de ses processus, ou encore faire les deux. Les indicateurs de performances qui seront définis dans ces circonstances visent à mesurer la croissance des ventes, la satisfaction des clients, le professionnalisme des employés et (ou) le degré d’automatisation des processus. Chacun de ces indicateurs peut être éclaté en d’autres sous-indicateurs et positionnés à des niveaux opérationnels et décisionnels différents de l’organisation de sorte que la collecte des données factuelles pour les alimenter puisse remonter jusqu’à la sphère stratégique de l’entreprise et fournir la mesure globale du niveau de performance de l’organisation. Le principal défis c’est la cohérence des faits réels avec les unités de mesures qui sont définis, ainsi que le lien de causalité entre les variables factuelles à considérer. Il faut aussi veiller à ce que le processus de mesure de la performance et de la mise à disposition de l’information sur la performance atteinte, soient réalisés dans un délais pertinent, et si possible en temps réel. Dans ce contexte, les TIC et l’Intelligence artificielle constitue une ressource incroyable pour la mesure de la performance des organisations   

(C) Copyright. KPI – Canva

ABIx : Comment pouvez-vous aider une entreprise à améliorer sa performance ou encore sa capacité à innover ?

M. Thomas R. : La performance organisationnelle résulte de la combinaison de plusieurs facteurs. Certains de ces facteurs sont quantitatifs et peuvent faire l’objet d’un contrôle cohérent. Par exemple si on considère qu’une entreprise est performante lorsqu’elle crée de la valeur pour ses investisseurs en faisant du profit, compte tenu du principe que le profit découle des revenus, desquelles sont déduits les coûts, on dira que la meilleure façon d’améliorer sa performance consiste à maximiser ses revenus et à minimiser ses coûts. Dans ces circonstances, il faudra alors aider l’entreprise à optimiser ses processus pour mieux contrôler ses coûts, et à développer des stratégies visant à augmenter ses revenus (stratégies de vente, stratégies de fidélisation des clients, combinaison des produits et services à offrir, etc.). 

Pourtant il faut savoir que d’autres facteurs qui ne sont pas nécessairement contrôlables de manière instrumentale et qui sont de nature qualitative participent significativement à la performance de l’organisation. Par exemple les mécanismes de gouvernance, le système de management, le leadership des dirigeants, etc. Dans ces domaines, l’amélioration de la performance organisationnelle relève non seulement des meilleures pratiques contextualisées, mais aussi du jugement professionnel qui permet de prendre des bonnes décisions au bon moment. Dans tous les cas, la capacité à innover de l’organisation peut être améliorée en mettant en place une dynamique d’intelligence économique et des cadres interactifs pour faire émerger des stratégies en temps opportun à tous les niveaux. C’est ainsi qu’on voit des organisations adopter de nouvelles stratégies, de nouvelles technologies, de nouveaux processus qui transforment radicalement leurs manières de créer de la valeur.

ABIx : Quels sont les obstacles les plus récurrents qui ont un impact sur la performance des entreprises en Afrique et comment les surmonter ?

M. Thomas R. : Peu importe qu’une entreprise soit en Afrique ou ailleurs, l’adoption des meilleures pratiques de gestion en les contextualisant constitue toujours une source de performance. L’idée c’est de maximiser le niveau de contrôle que l’on a sur les risques organisationnels et de se prémunir au mieux des aléas des incertitudes pour soutenir durablement la performance. Il va de soi que si tout ceci est négligé, on ouvre le flanc à la contre-performance. J’ai remarqué qu’en Afrique, les promoteurs d’entreprises (surtout les PME) ont souvent tendance à négliger l’adoption des meilleures pratiques de gestion tout au long du cycle de vie de leurs projets. Ce qui se traduit souvent par des situations de contre-performance très complexes qu’on découvre tardivement. Je prends un exemple, la majorité des PME typiquement africaines qui sont installées en Afrique, n’ont pas vraiment démarré à la suite d’une étude rigoureuse de faisabilité et fonctionnent sur la base de l’intuition de leurs promoteurs. Tant que tout va bien, on ne se rend pas compte des erreurs stratégiques commises en ignorant cette étude. Par ailleurs, elles ne sont pas très nombreuses, les entreprises typiquement africaines qui ont élaboré un plan stratégique sérieux et formel qu’elles essayent de le mettre en œuvre, du coup toutes les orientations de l’entreprise sont confinées dans la pensée du promoteur et les collaborateurs ne savent pas où va l’entreprise. Dans mon expérience d’interaction avec les PME africaines, mon plus grand désarrois a été de constater combien il est difficile d’avoir accès à l’information financière pour procéder à des analyses réalistes et faire des recommandations en vue de la performance. La cause principale de cette situation c’est que l’adoption de la comptabilité est souvent vécue par les entrepreneurs comme une contrainte légale et fiscale, plutôt qu’une nécessité managériale. Les chiffres disponibles ne reflètent pas la réalité, et les chiffres réels n’existent pas. J’ai récemment eu de la peine à convaincre un grand promoteur de station-service en Afrique qu’il avait besoin d’un conseil d’administration indépendant pour l’aider à développer son entreprise. Il voyait celà comme une perte de contrôle de son projet et avait du mal à comprendre la valeur ajoutée d’une telle initiative. Bref je pense que les entrepreneurs africains gagneraient beaucoup à s’ouvrir à l’adoption des meilleures pratiques formelles et interactives pour améliorer la performance de leurs projets.

ABIx : Pouvez-vous nous donner un exemple d’une entreprise que vous avez aidée à améliorer sa performance ? Quels ont été les résultats ?

M. Thomas R. : Je vais essayer de garder l’anonymat et la confidentialité dans cet exemple. Il s’agit d’un hôtel d’une capacité d’accueil journalière de 65 nuitées qui affichait un taux d’occupation annuel moyen de 19% dans une ville où la moyenne des concurrents s’établissait à 26%. Le promoteur m’avait sollicité pour l’aider à mettre en place un système informatisé de gestion des réservations pour éviter que les réceptionnistes attribuent des chambres occupées ou réservées à des nouveaux clients. Lors de la réalisation de ce petit projet, nos échanges et discussions nous ont permis de constater qu’il avait besoin de plus que ça: des sérieux problèmes opérationnels et stratégiques. Les recommandations que nous avons faites sont en train d’être implémentées progressivement. La diversification des sources de revenus a permis de tripler le chiffre d’affaires de l’hôtel et le taux d’occupation actuel avoisine les 28%.   

ABIx : Selon vous, quelles sont les astuces à mettre en œuvre pour encourager les entreprises africaines à innover avec pour objectif de les aider à améliorer leur rentabilité ou encore à optimiser leurs processus opérationnels ?

M. Thomas R. : Comme je l’ai souligné, l’astuce générique n’existe pas. Les facteurs de contingence sont énormes et il faut toujours exercer un jugement et développer des solutions adaptées. C’est là le cœur même de la gestion de la performance et de l’innovation organisationnelle. J’encourage les promoteurs de PME en Afrique à ne pas hésiter de s’entourer des mécanismes et ressources favorables à l’émergence de stratégies gagnantes. Ils doivent surtout maîtriser la chaîne de valeur et la chaîne logistique de leurs projets, rester constamment à l’affût des besoins changeants de la clientèle, recourir régulièrement aux conseils d’amis et d’institutions spécialisées, et adopter les bonnes pratiques de gestion. Tout celà contribue à mettre en place un environnement de créativité. 

ABIx : Quels sont les conseils que vous donnez à une entreprise pour renforcer sa culture d’entreprise et l’engagement des employés ?

M. Thomas R. : Le principal véhicule de la culture d’entreprise c’est la communication. Il y a un niveau de formalisation nécessaire à cet égard. Si les employés ne savent pas ce qu’on veut faire, de quelle manière on veut le faire, et quel signal on veut donner au sujet de ce qu’on fait, ça devient vraiment difficile. L’engagement des employés dépend aussi de leurs niveaux de compétence, du niveau de contrôle qu’ils ont sur ce qu’ils font et du degré d’autonomie qui leur est accordé. Il faut non seulement recruter des collaborateurs excellents mais aussi les former continuellement et leur faire confiance, en fondant leur évaluation sur des facteurs qui relèvent de leur responsabilité. Je pense que la ressource humaine est capitale pour la performance de l’entreprise. Or l’être humain n’est pas un instrument, et même si on peut prévoir son comportement, l’incertitude reste énorme. Au lieu de simplement vouloir contraindre, tenter de manipuler ou même exploiter, il faut surtout être à l’écoute, il faut valoriser, il faut orienter et je dirai il faut aimer… ça fait la différence. 

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