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Pour la huitième année consécutive, le Président de la République, Paul Biya a signé, ce 11 juillet 2025, une ordonnance modifiant la loi de finances en cours d’exécution. Cette décision, désormais presque rituelle en milieu d’exercice, intervient dans un contexte marqué par une baisse significative des recettes, notamment pétrolières, et une hausse préoccupante du service de la dette.
Un budget porté à plus de 7 700 milliards FCFA
L’ordonnance présidentielle prévoit un relèvement du budget de l’État à 7 735,9 milliards FCFA, contre 7 317,7 milliards FCFA initialement, soit une augmentation de 418,2 milliards FCFA (+5,71 %). Cette révision traduit une réorientation stratégique des priorités économiques et budgétaires du gouvernement, confronté à des tensions sur les ressources et une pression croissante sur les dépenses.
Selon les données contenues dans le Document de programmation économique et budgétaire 2026-2028, cette enveloppe révisée se répartit entre 7 669 milliards FCFA pour le budget général de l’État et 66,9 milliards FCFA pour les Comptes d’affectation spéciale.
Recettes en baisse, dette en hausse
Le déficit budgétaire s’élargit dans un contexte de contraction des recettes globales évaluée à 133,3 milliards FCFA, en grande partie imputable à la chute des recettes pétrolières (-93,3 milliards FCFA, soit -12,7%). Plusieurs facteurs expliquent cette baisse : une révision à la baisse du prix du baril de pétrole brut camerounais (66,94 USD contre 72,84 USD), une baisse de la production de pétrole (19,81 millions de barils contre 20,71 millions), et une réduction des volumes de gaz commercialisés.
Parallèlement, les recettes fiscales, qui représentent 83 % des ressources internes de l’État, affichent également un recul, estimé à 12,2 milliards FCFA par rapport aux prévisions initiales. Le gouvernement n’a, pour l’instant, fourni aucun détail sur les causes de cette contreperformance.
Une gestion des dépenses sous contraintes
Malgré des recettes en baisse, les dépenses publiques augmentent de 82,8 milliards FCFA, atteignant 5 646,14 milliards FCFA. Cette progression s’explique en partie par la hausse des dépenses liées aux biens et services (+51 milliards FCFA), notamment le paiement de la dette d’ENEO envers GLOBELEC, la reprise de projets de santé initialement financés par l’USAID, et le renforcement des provisions pour reports de crédits.
À noter cependant que certaines coupes ont été opérées : les dépenses d’investissement reculent de 11 milliards FCFA, tandis que les dépenses de personnel et les pensions enregistrent des baisses respectives de 20 milliards FCFA et 10 milliards FCFA.
Mais c’est surtout le service de la dette qui explose, avec une hausse de 388,2 milliards FCFA, portant le total à 2 369,7 milliards FCFA. Cette augmentation est due notamment aux remboursements des OTA et emprunts obligataires (+104 milliards FCFA), à la réduction de l’encours des BTA (+104,3 milliards FCFA), au paiement d’arriérés sur la dette intérieure (+50 milliards FCFA) et à l’apurement des arriérés datant de 2024.
Un endettement accru pour combler le déficit
Face à l’élargissement du déficit, les besoins de financement sont revus à la hausse, passant de 1 795 milliards FCFA à 2 326,5 milliards FCFA, soit une augmentation de 531,5 milliards FCFA. Pour combler cet écart, le gouvernement entend intensifier son recours à l’endettement, avec une hausse de 31 % des emprunts prévue pour l’année.
En plus des instruments classiques, un nouvel emprunt extérieur de 330 milliards FCFA est envisagé d’ici la fin de l’année. Ce financement, absent de la loi initiale, devrait être mobilisé auprès d’institutions multilatérales telles que la Banque mondiale, la Banque africaine de développement (BAD) ou Afreximbank.
Une révision qui devient la norme
Ce nouvel ajustement confirme une tendance désormais récurrente pour le président Biya : une révision annuelle du budget en cours d’exécution, devenue presque systématique depuis 2018. En 2024 déjà, une ordonnance datée du 20 juin avait relevé le budget de 6 679,5 milliards à 7 212,5 milliards FCFA, soit une augmentation de 533 milliards FCFA.
Cette révision budgétaire 2025, qui devrait être validée sans difficulté par un Parlement largement acquis à la majorité présidentielle, reflète les tensions budgétaires croissantes auxquelles fait face l’État camerounais. Entre contraction des recettes, hausse du service de la dette et recours accru à l’emprunt, le pays devra faire preuve d’une grande prudence dans la gestion de ses finances publiques pour préserver sa soutenabilité budgétaire à moyen terme.
Danielle N.