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Le Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, a présenté vendredi 1er août le Plan de Redressement Économique et Social (PRES), une feuille de route ambitieuse qui s’inscrit dans la stratégie nationale « Sénégal 2050 ». Objectif affiché : sortir le pays d’une crise budgétaire profonde, tout en posant les jalons d’une économie plus souveraine, inclusive et résiliente.
Une réponse à une situation économique alarmante
Avec une dette publique frôlant les 120 % du PIB, un déficit budgétaire de 14 %, un chômage estimé à 20 % et plus d’un tiers de la population vivant sous le seuil de pauvreté, les indicateurs macroéconomiques du Sénégal sont préoccupants. Le gouvernement entend répondre avec un plan structuré, reposant sur 90 % de financement national, sans faire appel au FMI. « Nous n’avons pas besoin du FMI », a martelé Ousmane Sonko, soulignant la volonté de rupture avec les modèles traditionnels de dépendance extérieure.
Réduction des dépenses et mobilisation des ressources internes
Le PRES prévoit une réduction du train de vie de l’État, la fusion ou suppression de structures publiques, et la numérisation des services administratifs. Sur le plan fiscal, plusieurs mesures visent à élargir l’assiette : suppression de niches fiscales, instauration de taxes sur les jeux de hasard, le mobile money, ou encore le tabac. Un visa électronique payant pour les non-Africains et certains pays africains est également prévu.
Des efforts seront aussi engagés pour réduire la fraude fiscale, appliquer rigoureusement les droits de sortie et améliorer la transparence dans la gestion publique. Selon Sonko, ces leviers permettront de dégager des recettes sans aggraver l’endettement.
Justice sociale et services de base au cœur du plan
Au-delà des réformes budgétaires, le plan comporte un important volet social. Il prévoit la poursuite des mesures de réduction du coût de la vie, un meilleur ciblage des subventions énergétiques, le renforcement des services sociaux essentiels (éducation, santé, formation professionnelle), ainsi qu’un soutien accru aux ménages pauvres.
La baisse annoncée des frais d’eau et d’électricité dans l’administration et la renégociation des contrats pétroliers, gaziers et miniers doivent également libérer des ressources pour financer le développement.
Une gouvernance recentrée, un pilotage resserré
Le Premier ministre a annoncé la création d’une équipe restreinte et experte à la Primature, en coordination avec les ministères clés, pour piloter la mise en œuvre du PRES. Cette gouvernance agile vise à renforcer l’efficacité des décisions et l’exécution rapide des réformes.
Réformes sectorielles ciblées
Le plan vise à structurer l’économie autour de secteurs clés à fort potentiel : agriculture, élevage, pêche, textile, BTP, numérique, tourisme et industries légères. Le soutien au secteur informel, notamment pour l’emploi des jeunes et des femmes, ainsi que la valorisation du foncier national et la mobilisation de l’épargne locale, figurent également parmi les priorités.
Un appel public à l’épargne est d’ores et déjà en cours pour soutenir le financement du programme, qui ambitionne de mobiliser 5 667 milliards de FCFA entre 2025 et 2028.
Une mesure sociale inattendue : les véhicules jusqu’à 10 ans autorisés
Dans un geste symbolique mais concret, Ousmane Sonko a annoncé l’assouplissement de la réglementation sur les véhicules importés, en relevant la limite d’âge à 10 ans, contre 8 précédemment. Cette décision vise à rendre l’automobile plus accessible aux ménages et à relancer le marché local de l’occasion, tout en tenant compte des réalités socio-économiques.
Avec ce plan structurant, le gouvernement sénégalais entend amorcer une refondation économique souveraine, loin des injonctions extérieures. Reste à voir si ce volontarisme politique, porté par un discours de rupture et une volonté d’assainissement budgétaire, pourra résister aux nombreuses contraintes financières et sociales du pays. Le chantier est vaste, mais les ambitions sont claires.
Danielle N.