Anna-Alix Koffi : L’Art de l’audace au service de la création africaine
Éditrice indépendante, directrice de création, rédactrice en chef engagée, curatrice intuitive, Anna-Alix Koffi est une figure à part dans le paysage culturel contemporain. Née en 1979 au Plateau, au cœur d’Abidjan, cette « parivoirienne » revendique une double appartenance : profondément parisienne par son parcours, intensément ivoirienne par ses racines. Et c’est justement dans cette tension féconde entre deux mondes qu’elle a forgé une œuvre singulière, dédiée à la photographie, à l’art et à la valorisation des identités noires.
Formée en histoire à l’université Paris 7, puis en journalisme à l’IFP d’Assas, Anna-Alix entame sa carrière comme journaliste et copywriter bilingue, collaborant avec Itélé, Le Monde, Afrik.com, Glamour ou encore Be. Mais c’est en 2012, en prenant les rênes de la Revue More, qu’elle découvre véritablement le pouvoir narratif de la photographie. L’année suivante, elle se lance dans un projet fou, sans financement ni publicité : Off the Wall, un photozine trimestriel publié à 1 000 exemplaires, objet éditorial rare, hybride et audacieux.
Off the Wall, c’est d’abord une œuvre en 10 volumes, chacun révélant une lettre du titre sur la tranche, destiné aux collectionneurs passionnés. Ce « photo-livre », entièrement imprimé sur papier, explore les formes émergentes de la photographie tout en mettant en regard les archives oubliées. Des jeunes photographes du Mali, de Turquie ou de Lituanie aux clichés anonymes de rue, Anna-Alix fouille, déniche, édite. « C’est une diggeuse », dira d’ellel’artiste Dimitri Fagbohoun.
Mais l’ambition d’Anna-Alix ne s’arrête pas là. En 2016, elle crée Woman Paper, un journal éphémère diffusé lors des Rencontres d’Arles pour donner voix aux femmes artistes, avec une attention particulière portée aux Africaines. Puis en 2017, elle lance Something We Africans Got (SWAG), revue d’art et de pensée critique bilingue, à la croisée du magazine grand public et de la revue académique. Dans chaque numéro, trois temps : un thème fort, un focus sur une scène artistique africaine, et une ouverture internationale à travers un dialogue avec une figure africaine de renom. SWAG devient en 2019, Swag High Profiles, version magazine mettant en lumière les grandes figures culturelles, économiques et créatives du continent africain et de sa diaspora.
Femme de convictions, Anna-Alix Koffi milite pour une Afrique audacieuse, puissante, et fière de sa diversité. Elle promeut une vision plurielle du continent, loin des clichés misérabilistes, avec un accent particulier sur les femmes artistes noires, qu’elle propulse au cœur de ses revues. « Je veux donner à voir une Afrique vivante, courageuse, capable de se raconter autrement », affirme-t-elle.
Son combat est aussi un choix éthique et esthétique. Elle croit dur comme fer au pouvoir du papier, à la noblesse du print, même à l’ère du tout-numérique. Mais fidèle à son temps, elle fait évoluer son travail vers le digital : son site avril27.com, lancé depuis Abidjan pendant la pandémie, regroupe ses différentes publications et s’ouvre à la vidéo comme nouveau médium de transmission artistique.
Décrite comme persévérante, audacieuse et humble, Anna-Alix Koffi incarne une forme rare de leadership culturel : celle qui ne cherche pas à se mettre en scène, mais à révéler les autres. « Ce n’est pas moi que je veux voir, ce sont les autres que je veux faire voir. » Et dans ce geste de transmission, se dessine toute la cohérence d’un parcours fait d’engagement, de sens et de beauté.
Danielle N.
