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Pourquoi certains empires industriels, particulièrement en Afrique, ne survivent pas toujours après la mort de leur fondateur ? 

Ces dernières années, la chronique économique et les médias ont révélé les conflits qui traversent les familles des capitaines d’industries et des hommes d’affaires après leur décès, notamment au Cameroun. Si ces conflits opposent généralement les enfants tout autant que les épouses, avec pour enjeu central le partage ou l’administration des biens, ils sont aussi révélateurs d’un déficit de mise en place des modèles et pratiques managériaux à même d’assurer la continuité et la croissance du business en l’absence du fondateur.  

Disparition du fondateur, guerres de succession et devenir des entreprises: comprendre les ressorts d’un mécanisme déficitaire de transmission et de pérennisation des patrimoines industriels au Cameroun. 

De tout temps, l’héritage a été au centre des tensions et des guerres fratricides, en Afrique comme ailleurs. Les raisons de l’incapacité de certains capitaines d’industrie à instaurer des mécanismes de gestion consensuels, susceptibles d’assurer la continuité et la rentabilité de leurs affaires au-delà de leur décès, varient selon les réalités propres à chaque famille et à chaque contexte. Singulièrement au Cameroun, les intrigues de succession mettant en scène les descendants ou les épouses des capitaines d’industrie sont nombreuses et illustrent la difficulté à manager et à transmettre le patrimoine industriel dans des configurations familiales structurellement polygamiques. 

De Fotso Victor à Pascal Monkam, en passant par André Sohaing et bien d’autres, les conflits autour de l’héritage laissent apparaître l’appât du gain et les convoitises des enfants ou des épouses. Cependant, il serait réducteur de limiter l’analyse à ces prétentions successorales. En y regardant de plus près, il semble exister un lien étroit entre la structure polygamique de certaines familles d’industriels et la récurrence des conflits de succession, dont la radicalité (souvent liée à des enjeux financiers colossaux) vient désorganiser les dispositifs de transmission et de continuité mis en place par le fondateur. Dès lors, il convient de s’interroger sur l’influence de la polygamie dans la  faillite de certaines entréprises aussi bien du vivant qu’après le décès du fondateur. Ce qui s’observe au Cameroun ces dernières années est-il un phénomène purement local ou, au contraire, une difficulté universelle liée au management, à la transmission et à la pérennisation des entreprises familiales à structure polygamique ?

En marge de l’inimitié intrafamiliale et polygamique, questionner le modèle de gouvernance du vivant du fondateur pour mieux cerner les raisons de la faillite des entreprises après son décès

L’identification de la polygamie comme pourvoyeur de confilts à l’origine de la faillite de certaines entréprises après le décès du fondateur ne doit pas pour autant masquer des cas de transmission, de continuité et de croissance de certains groupes industriels (Groupe Kadji Defosso par exemple) en dépit du décès et de la structure polygamique de la famille du fondateur. Ces cas singuliers montrent que si la polygamie a un effet amplificateur des conflits successoraux, elle est loin d’être l’unique cause de faillite des entreprises après le décès du fondateur. On ne peut donc pleinement questionner et comprendre l’alignement de l’espérance de vie de certaines entreprises sur celle de son fondateur en faisant fi du modèle de management mis en place par le fondateur dès le début et tout au long de sa vie. Cela implique d’analyser la place accordée aux enfants et aux épouses dans la gestion de l’entreprise, la composition des conseils d’administration, les circuits de décision stratégiques, le degré de centralisation du pouvoir, l’implication des héritiers dans la gouvernance, ainsi que la volonté du fondateur d’inscrire son œuvre dans la durée, au-delà de sa propre personne. À cela s’ajoutent les facteurs externes : la législation, la pratique du droit et l’efficacité des mécanismes juridictionnels encadrant la transmission des héritages.

Le sort des salariés et la responsabilité sociale des entreprises : deux enjeux souvent occultés par les guerres de succession à l’origine des faillites. 

La médiatisation des guerres de succession et l’intérêt du public pour ces intrigues familiales relèguent souvent au second plan les salariés, pourtant acteurs essentiels du fonctionnement des entreprises concernées. En effet, le devenir de ces employés, véritables producteurs de valeur ajoutée, est rarement pris en compte dans les conflits successoraux qui s’enclenchent après la mort des fondateurs. Or, aussi visionnaire soit-il, le chef d’entreprise n’est jamais seul responsable du succès et de la croissance de son groupe : les salariés, bien que marginalisés dans les luttes de pouvoir, demeurent des piliers de la compétitivité des entreprises. De même, ces entreprises, du fait de leur poids économique et social, ne devraient plus être perçues uniquement comme la propriété d’un individu ou de sa famille, mais comme des structures exerçant une responsabilité socio-économique. Leur survie ou leur disparition a des conséquences bien au-delà du cercle familial : elles affectent des centaines d’employés, des partenaires, des clients, et parfois même des pans entiers de l’économie nationale.

Léonel Noubou Noumowe

Chroniqueur et responsable du laboratoire R & D – The Africa Business Index (ABIX).  

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