Portrait entrepreneur : Joseph-Olivier Biley, l’homme qui insuffle un nouvel élan à l’agriculture ivoirienne

Affronter les défis, trouver des solutions, et transformer les obstacles en opportunités : telle est la nature de Joseph-Olivier Biley, et celle de ses entreprises. Après un parcours académique international brillant, il revient en Côte d’Ivoire avec un objectif audacieux : faire de son pays un modèle mondial en matière de technologies agricoles. Une ambition que beaucoup jugeraient irréaliste… sauf lorsqu’ils croisent la trajectoire fulgurante de cet entrepreneur déterminé.
De pilote de ligne à pilote de changement
Enfant, Joseph-Olivier rêvait de devenir pilote de ligne. Son père, lui, l’imaginait dans l’agriculture. Lorsqu’il l’emmenait dans ses plantations, Joseph-Olivier préférait fabriquer des avions en papier, les faisant voler au-dessus des cultures. Ce double héritage, il l’a pleinement réalisé avec JooL International, sa start-up où les drones remplacent désormais les avions en papier pour survoler les champs. Aujourd’hui, il ne pilote plus des avions, mais des entreprises, avec la même précision qu’un commandant de bord.
Un parcours académique international
La guerre civile en Côte d’Ivoire pousse Joseph-Olivier à poursuivre ses études en France, à Amboise. Malgré les préjugés de certains enseignants, il décroche son bac avec mention. Après un bref passage à l’université, il intègre l’INSEEC pour un double diplôme en marketing et finance, l’amenant à Paris, Londres et Chicago. Sélectionné parmi 8 étudiants français pour le prestigieux programme Start-Up Factory à San Francisco, il y découvre l’esprit entrepreneurial à l’américaine.
«San Francisco, c’est le rêve américain ! C’est là-bas que j’ai compris que tout était possible. En quelques mois, j’ai gagné plusieurs années d’expérience et j’ai élargi mon réseau. Ces contacts m’ont servi dans ma carrière et les personnes concernées restent très disponibles », confie-t-il.
Outre le parcours Start-up Factory, à l’INSEEC, Joseph-Olivier développe des compétences clés. Grâce à un professeur inspirant, Robert Bradford, il surmonte sa timidité et devient un orateur reconnu à l’international. Il apprend aussi à gérer la pression lors de « crisis nights », des défis d’entreprise menés en conditions réelles. Pour lui, le diplôme est une boîte à outils qu’on apprend à manier efficacement. « Aujourd’hui, je sais utiliser le bon outil pour chaque problème », dit-il.
Savoir ce qu’on ne veut pas
Tous ses stages, il les réalise chez Maersk Line, géant du transport maritime. Cette expérience, riche d’enseignements, lui confirme qu’il n’est pas fait pour être salarié. « Je me suis vite rendu compte que j’étais fait pour être entrepreneur, pas pour travailler dans une entreprise. Je veux être vu comme quelqu’un qui peut changer les choses et qui est utile à la société. Maersk Line m’a appris ce que je ne voulais pas et m’a donné envie de créer mon entreprise », raconte Joseph-Olivier.
Premiers pas dans l’entrepreneuriat
Son premier projet voit le jour avec sa sœur Jessica Biley. Ensemble, ils fondent : OJei, une marque de vêtements éthique et afro-européenne. L’idée : valoriser la culture africaine à travers la mode. Après 3 ans d’aventure, Joseph-Olivier cède ses parts à sa sœur, mais la marque perdure, témoin de la solidité de leur vision initiale.
Un problème, une solution : naissance de WeFly Agri
De retour en Côte d’Ivoire, Joseph-Olivier est confronté à une situation : la plantation de son père, laissée à un gestionnaire peu scrupuleux, est en ruine. Le déclic est immédiat : il crée WeFly Agri, une start-up permettant de surveiller les cultures à distance grâce aux drones. Très vite, l’idée évolue : détection de maladies, conseils agricoles, réduction des coûts pour les agriculteurs.
En 2021, il passe à la vitesse supérieure avec JooL International, une entreprise à la pointe de l’agritech. Drones, robots terrestres, logiciels : tout est fabriqué localement, en Côte d’Ivoire. Son ambition ? Démocratiser l’usage des drones pour chaque décision agricole. Il rachète même une start-up française pour sécuriser des brevets stratégiques. Résultat : plus d’un million d’euros de chiffre d’affaires au premier trimestre, quand les investisseurs n’en attendaient que 300 000. « J’aimerais démocratiser l’utilisation du drone dans l’agriculture. Je souhaite que tous les planteurs pensent à utiliser un drone avant de prendre une décision, que ce soit mettre de l’engrais ou des pesticides », explique-t-il.
« Ma mission, c’est faire de la Côte d’Ivoire une référence en matière de gestion intelligente des plantations en Afrique. La prochaine étape, c’est faire la même chose avec l’Afrique, dans le monde », déclare Joseph-Olivier. Et pour y parvenir, en plus de sa start-up JooL International, il cofonde le #Ci20, une association qui regroupe les start-up les plus prometteuses de Côte d’Ivoire. Le collectif collabore avec l’État, structure l’écosystème tech, et façonne les politiques d’innovation. Impressionné, le gouvernement le nomme ambassadeur de l’innovation en Côte d’Ivoire.
Joseph-Olivier Biley est aussi le responsable du hub Afrique de l’Ouest de ZEBOX, un incubateur et accélérateur pour les start-up technologiques et un centre d’innovation pour les entreprises. “ZEBOX se positionne désormais comme le trait d’union entre les startups et les grandes entreprises, favorisant ainsi la co-innovation, la collaboration et le co-développement”, explique-t-il.
Joseph-Olivier Biley n’a qu’un mot d’ordre : tout est possible. « Peu importe d’où vous venez, ce qu’on vous a dit ou ce que vous avez traversé : chaque arbre commence par une graine. Il faut planter, nourrir, attendre. Même si les fruits tardent, ça ne veut pas dire que la graine est mauvaise. Soyez patients, disciplinés, passionnés… et surtout, résilients », déclare-t-il.
Joseph-Olivier Biley incarne une nouvelle génération d’entrepreneurs africains : ancrés dans leurs racines, tournés vers l’avenir, et guidés par une volonté farouche de transformer leur continent, un drone à la fois.
Danielle N.