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Diaspora à l’honneur : Marguerite Abouet, la porte-parole de ceux qu’on ne voit pas !

Autrice, scénariste et réalisatrice franco-ivoirienne, Marguerite Abouet est entrée avec fracas dans le monde de la littérature et de la bande dessinée avec « Aya de Yopougon », dont le 7e tome est paru en 2022. La saga ivoirienne rencontre un succès considérable. Traduite en 15 langues, « Aya de Yopougon », avec une voix et un humour inédits, peint une Afrique authentique, loin des clichés. Portrait.

Marguerite Abouet a beau vivre à Paris depuis un quart de siècle, elle reste habitée par ses souvenirs d’Abidjan, où elle est née. Associée au dessinateur Clément Oubrerie, elle les a mises en images pour créer la bande dessinée « Aya de Yopougon ».

Comme Aya, son personnage principal, Marguerite Abouet a grandi dans le quartier de Yopougon à Abidjan en Côte d’Ivoire. Une enfance rythmée par des courses endiablées dans les rues du quartier et les histoires captivantes de ses grands-parents. Forcée de quitter, ce décor, son frère et elle, arrivent en France en 1983 et s’établisent chez un grand-oncle à Paris.  

Du courage et de la ténacité, il lui en a fallu quand, à 17 ans, elle s’est retrouvée seule avec son frère, sans papiers, son grand-oncle, malade, étant retourné vivre en Afrique. Après avoir passé son bac, la jeune femme multiplie les petits boulots : nounou, serveuse, opératrice de saisie, etc., tout en faisant le siège de la préfecture pour obtenir un permis de séjour.

« Ce n’est pas une passion l’écriture, ce n’est pas ce que j’aime faire, c’est une thérapie… »

Son envie d’écrire lui vient du fait qu’un soir, sa petite télévision explose. « J’avais 17 ans, dans ma première chambre de ‘bonne’ dans un immeuble parisien. La famille dont je gardais les triplets m’avait donné une petite télévision, mais un soir, elle explose ! Donc après les cours et les triplets, j’ai commencé à écrire. Ce n’est pas une passion l’écriture, ce n’est pas ce que j’aime faire, c’est une thérapie. J’ai commencé à écrire pour ne pas devenir folle. Il fallait que j’écrive pour ne pas oublier d’où je venais, j’ai commencé à raconter mes histoires d’enfances », raconte-elle dans une interview.

Marguerite rédige alors des histoires qui parlent de sa vie parisienne et de la ville où elle a passé les douze premières années de sa vie. « À l’époque, Yopougon était un quartier tout neuf, le royaume des classes moyennes. Mon père était chef des ventes dans l’entreprise Sidema, ma mère directrice chez Singer. Les enfants jouaient dans la rue, tout le monde se connaissait, il y avait une grande solidarité. Je me suis dit qu’il fallait écrire tout ça pour ne pas l’oublier », affirme-t-elle.

Ses écrits, elle les garde pour elle, personne n’a l’occasion de les lire. Ce n’est que quelques années plus tard, alors qu’elle a depuis longtemps arrêté d’écrire, que l’envie lui vient d’exploiter ses souvenirs couchés sur le papier. En effet, en 2004, Marguerite, qui a enfin été autorisée à séjourner en France, a suivi une formation en droit et trouvé un poste d’assistante juridique dans un cabinet d’avocats. Elle aime son métier, mais l’exemple de Clément Oubrerie, un ami proche qui illustre des histoires pour enfants, lui donne des idées : l’envie de reprendre la plume.

Elle propose donc à Oubrerie un texte sur ses souvenirs d’enfance, qu’il accepte d’illustrer. De leur collaboration, naissent quelques pages d’un projet qui enthousiasme les dirigeants de Gallimard, la plus grosse maison d’édition française, qui s’apprête à créer une collection de bandes dessinées.

C’est ainsi que débutent les aventures d’Aya, qui vit à Yopougon entourée de parents et d’amis qui ne pensent qu’à aller au maquis (bar), s’enjailler et qui se retrouvent sans cesse dans des histoires rocambolesques ! Librement inspirée des souvenirs de Marguerite, Aya est une ode très réaliste au quartier de son enfance.

Le premier volume d’Aya paraît donc en 2005. Quelques mois plus tard, il est sélectionné pour le « prix du meilleur premier album au festival d’Angoulême ». À la grande surprise de Marguerite, Aya obtient le prix. C’est le début d’une longue série de distinctions.

Une conteuse née !

Après « Aya de Yopougon », les talents de conteuse de Marguerite Abouet se confirment ensuite avec « Akissi », une série d’albums avec Mathieu Sapin aux dessins, qui raconte à hauteur d’enfant les souvenirs et les bêtises d’enfance de l’autrice. Loin du misérabilisme avec lequel le continent est fréquemment dépeint, elle prend le parti dans ces deux sagas de montrer un visage plus heureux de son pays, tout en abordant des sujets sensibles tels que le mariage forcé ou les pères absents. « Je suis la porte-parole de ceux qu’on ne voit pas et qu’on n’entend pas. Mes personnages me servent de faire valoir pour qu’ils parlent à ma place de tout ce qui me touche, me mets en colère, me fait sourire, s’ils peuvent briser quelques clichés, tant mieux », confie-elle.

Les autres œuvres de Marguerite Abouet sont : « Délices d’Afrique », un livre de cuisine ; « Essi dans la forêt des monstres », un livre de coloriage animé ; « Commissaire Kouamé ». Elle a également porté avec Clément Oubrerie les aventures « d’Aya de Yopougon » sur grand écran en 2013, celles « d’Akissi » sur le petit écran, et s’est illustrée entre 2015 et 2019 en tant que scénariste de la série télévisée sénégalaise, « C’est la vie ! ».

En 2020, « Enfermés dedans », le dixième tome d’ « Akissi » est paru. En 2021, « Un homme tombe avec son ombre », deuxième volume de « Commissaire Kouamé », a vu le jour. Aujourd’hui, le tome 8 d’Aya de Yopougon est disponible.

Engagée dans la lutte contre l’illettrisme, Marguerite Abouet a fondé l’association « Des livres pour tous » en 2008 grâce à laquelle elle est parvenue à créer trois bibliothèques jeunesse de quartier en Afrique, plus précisément à Abidjan et à Dakar.

Danielle N.

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